EXPOSITION MONOGRAPHIQUE
Artiste peintre, plasticienne, Pauline Souchaud fait partie des talents qui ont élu atelier au sein de la Friche Artistique Lamartine de Lyon. Après des études d’arts appliqués, en restauration de fresques historiques notamment, elle obtient brillamment son diplôme de l’École Supérieure des Beaux-Arts d’Angers et du Centre National des Arts de Mexico.
A contre-courant des tendances artistiques d’alors, Pauline fait de la peinture son médium de prédilection suscitant au passage l’admiration de ses professeurs qui, saluant sa force de conviction et son talent, l’encouragent pour notre plus grand plaisir à poursuivre dans cette voie. Lire la suite
Lors de sa période mexicaine Pauline Souchaud voit en elle se conforter une appétence prononcée pour les couleurs vives, l’abstraction et la photographie. En parcourant du regard ses oeuvres, aux colorations intenses, parfois presque délirantes, comment ne pas être tenté d’établir un rapprochement avec l’expressionnisme abstrait, ce courant artistique d’après-guerre dont Jackson Pollock fut à son corps défendant la figure emblématique ? Si Pauline Souchaud possède cette même intensité expressive, cette faculté presque pulsionnelle à s’immerger dans ses oeuvres, elle n’en garde pas moins sa capacité à prendre du recul. Elle observe et se laisse surprendre par la peinture tout en scrutant l’oeuvre se produire sous ses yeux. Par le biais de ce lâcher-prise, par cet abandon du contrôle au profit de l’aléatoire Pauline Souchaud nous transporte dans un univers singulier où nos repères tendent à se diluer. Placer de la sorte le regard du spectateur dans une disposition presque virginale permet à celui-ci de se défaire du joug des conventions culturelles dont nous avons été abreuvés et ainsi se rendre perméable à l’épopée picturale que la série « Under mother’s skin » nous propose d’engager.
Ceci n’est pas de l’abstraction ! Le travail de Pauline Souchaud inverse le paradigme de la représentation mais pas celui du sens et interroge à son tour le poids des images. Si une composition ne trouve sa justification qu’à son identifiabilité alors, qu’en est-il des images scintigraphiques ? Sont-elles abstraites uniquement pour ceux qui ne sauraient en décrypter le sens ? Au travers de sa série « Under mother’s skin » elle nous propose d’infléchir notre regard sur les choses et nous invite à la suivre dans un univers où démarche instinctive et approche scientifique se côtoient étroitement. Passionnée par l’imagerie scientifique, à l’instar de cet atlas d’histologie dont elle ne saurait se départir, Pauline Souchaud utilise la peinture, les pigments, comme un scientifique utiliserait des réactifs. Elle manipule la matière colorée comme s’il s’agissait de fluides organiques dont elle chercherait à révéler à la fois la structure et la dimension fonctionnelle.
Sorte d’alchimiste picturale, Pauline Souchaud ne se contente pas d’appliquer des pigments, elle les hybride par l’adjonction de résines afin d’en changer la texture, le volume, la brillance. Par ce procédé complexe, impliquant de nombreuses étapes qui successivement se nourrissent et s’actionnent les unes les autres, elle cherche à s’extraire de la vision 2D pour tendre vers le volume, la 3D, plus propice à la sédimentation, à la déconstruction, à l’exploration. En plongeant notre regard dans certaines de ses compositions artistiques constituées de plaques de verre peintes et superposées, comment ne pas tisser un parallèle avec la plastination, cette technique d’imprégnation polymérique qui permet d’observer par transparence des tissus biologiques ? En cherchant à induire ou accélérer des processus « naturels » Pauline Souchaud fait émerger de ses oeuvres une réalité à la fois miraculeuse et poétique.
Exploratrice de paysages intérieurs aux confins de l’infiniment petit comme de l’immensément grand, pour Pauline Souchaud il n’est pas d’abstraction pure, tôt ou tard tout nous ramène à la forme. Que le support utilisé soit une toile, une plaque de verre transparente, translucide ou opaque, ses oeuvres semblent mouvantes, jaillissantes de couleurs ; sorte de philharmonie picturale où s’harmonisent à la perfection moments d’emphase et de retenue. Pour Henri Michaux « la peinture s’installe dans l’insuffisance des mots » et c’est bien cette insuffisance à laquelle Pauline Souchaud pallie au travers d’une série d’oeuvres tout à la fois vibrantes de vie et dotées d’un incontestable pouvoir hypnotique.
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Alexis TOURN pour la Galerie NörKa