NörKa reçoit …

Titre de l’exposition : « L’heure-frontière »
Nom de l’artiste : Siouzie Albiach
Date de l’exposition :du 11 Janvier au 18 Février 2023
Vernissage le jeudi 12 Janvier dès 18h.

Artiste – Photographe
Née en 1996, diplômée de l’ENSP, basée à Lyon & Paris


Parcours

2017-2020 : École Nationale Supérieure de la Photographie (ENSP), Arles, France.
2018-2019 : Kyoto University of Art and Design, Kyoto, Japan.
2014-2016 : La Martinière Diderot, CPGE Arts et Design, Lyon, France.

Diplômée en 2020 de l’École de la Photographie d’Arles, Siouzie Albiach est une jeune artiste installée à Lyon. Au croisement de la photographie et de l’édition, elle construit ses propres paysages, faits de visions et d’apparitions, de surgissements lumineux et de personnages énigmatiques, rencontrés au fil d’errances sur des territoires qui lui sont étrangers. Pour débuter l’année 2023, la Galerie NörKa accueille L’heure-frontière, la première exposition personnelle de l’artiste.

Siouzie Albiach

Ce pourrait être au lever du jour ou aussi bien le contraire, au moment où se lève la lune et s’estompe le soleil. On ne sait plus si on a été mis dehors par nous-mêmes, ou par une force étrange et inconnue ; cette même force qui pousse à marcher. Dehors à marcher, là-bas, loin, le plus loin possible, au milieu du tout. Pour enfin arriver : nulle part.

Il y a mille manières de faire parler les ombres, mille lieux où aller les chercher. Mais une chose est certaine, c’est qu’il faut aller se perdre le plus possible et aimer se perdre ; oublier ce que l’on cherche, oublier ce que l’on connaît du lieu, du paysage, des éléments qui le composent. Oublier ce que l’on croit savoir de cette forêt, de cette rivière ; oublier le chemin des éveillés et trouver la fissure du rêve, du brouillard, des entre-deux, du nulle part.

Ce nulle part, c’est le point zéro où s’agite quelque chose d’encore secret, encore gardé par les éléments, encore parfaitement suspendu. Si parfaitement suspendu que même la marche devient impossible ; il faut s’arrêter et il faut se taire. Entendre les murmures de l’espace arriver jusqu’à l’oreille. Ces murmures qui disent : je suis cette brume qui traverse la forêt et coupera bientôt la ville en deux ; ces eaux en colère contre la roche grise ; cette ombre noire venue se poser entre l’épaule et la moitié du visage. Je viens de nulle part et je submerge tout. J’étais là avant que tu ne surprennes mon ombre, je serai là après la tempête que j’annonce.

Car la tempête aura bien lieu, ou a-t-elle déjà eu lieu ? Retenir son souffle, attendre, observer le grand noir et le soleil fragile s’avancer ensemble exactement entre la nuit et le jour. On ne marche plus, on ne parle plus, on s’immobilise et on pose ses yeux là où se découvre le clairobscur, parce qu’on sait qu’il est l’heure. Que c’est à cette heure précise – midi, minuit – que surgissent les fantômes, que se fabriquent toutes les visions. Les apparitions. Les hallucinations et les incertitudes.

Ou bien le rêve : il y a le rêve et puis il y a le réveil, le lever du jour après l’absence de lumière, dehors. Plus le noir s’absente, plus les images s’évaporent. L’effort que fait le dormeur pour faire revenir ses propres images est un exercice de fantôme, c’est la photographie. Ou l’exercice particulièrement muet de faire revenir à la lumière, venir à la lumière, ce qui est le rêve d’une ombre. Dans l’image ce sont, plus que toute autre chose, les ombres qui se superposent.

Si par malheur il n’y avait pas de dormeur pour raconter le rêve, il n’y aurait qu’un infini sommeil, il n’y aurait pas d’images ; personne pour faire exister ces ombres qui, de nulle part, à midi ou à minuit, détruisent et reconstruisent, parlent le langage de l’origine. Au milieu de ces tempêtes à venir ou à peine survenues, somnolent les dormeurs, les éveillés du demi-jour. Ceux qui se souviennent : qui portent la mémoire des ombres.

Marie Hervé.

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