PARUTION PRESSE
dans le Petit Bulletin …

Galerie NörKa : passages en série

La main passe, mais l’art demeure rue Burdeau où la photographe NörKa vient de reprendre la Galerie Pallade. Et offre un accrochage de ses œuvres en guise de pendaison de crémaillère. C’est au n°35 que ça se passe…

L’adresse est connue, mais l’enseigne a changé. Là où en début d’année se tenait encore la Galerie Pallade, NörKa a pris la relève mi-juin, le confinement-déconfinement précipitant une transition prévue en douceur pour l’été. Un passage de relais insolite de deux galeristes à une artiste photographe qui ne s’imaginait pas, « en tout cas, pas tout de suite », ralentir le rythme de ses « vadrouilles ». Une transmission surprise, également, entre des inconnus. Peu banale, la chose mérite d’être racontée. Fin 2019, Caroline Capelle Tournalias NörKa, adresse comme le veut l’usage ses vœux photographiques à l’ensemble de ses contacts, dont Anne-Marie et Roland Pallade, ignorant que ceux-ci envisagent de céder leur activité. Séduit par la personnalité se dégageant de l’œuvre qu’il découvre, Roland Pallade appelle aussitôt l’expéditrice. Point d’accrochage au menu de la conversation, mais une étonnante offre : prendre la succession du couple installé depuis 2007 ! Interloquée de prime abord, NörKa n’hésite guère longtemps avant d’accepter, « ce genre de proposition [n’arrivant] qu’une fois ». Il faut dire que les volumes sont beaux, l’état impeccable et la situation aussi prestigieuse qu’idéale : sur les Pentes, dans LA rue des galeries. La jeune photographe sait en outre qu’elle ne sacrifie pas pour autant son boîtier : son époux assurera une continuité présentielle lorsque des prises de vue l’éloignent de Lyon. Un couple passe donc la main à un couple, fin de l’histoire, ou plutôt début d’une nouvelle.

Rues du passage

Revendiquant la thématique du mouvement comme ligne éditoriale, NörKa envisage cinq à six accrochages par an, « avec un seul artiste à la fois,  pour conserver une lisibilité ». Première signature à orner ses cimaises : la sienne, fort logiquement ; comme un baptême (une “révélation“ serait-on tenté de dire) et une appropriation des lieux portant son nom. Pour accueillir, ne faut-il pas habiter ?

En 21 pièces respirant sur les murs et dialoguant du petit au très grand format, la photographe expose quelques fragments d’une série née à Lyon il y a un peu plus de cinq ans, poursuivie au gré de ses pérégrinations urbaines : Paris, Londres, Los Angeles forment ici les arrière-plans de L’Individualité en mouvement. Des fragments d’un discours ambulatoire (et néanmoins amoureux, pour paraphraser Barthes) où NörKa capte et capture la conjonction inopinée de deux éphémères : les murs des villes, uniformes dans leur customisation mondialisée, mutant continûment sous des strates de graffs, des lambeaux d’affiches ; et les humains arpentant leurs cités, silhouettes fantomatiques se sublimant dans l’urgence du quotidien — au point d’en perdre, parfois, leur identité… L’artiste “vole“ ces instants, n’ayant aucun contact avec ses modèles, lesquels d’ailleurs ne peuvent se reconnaître dans ces ombres mouvantes et dilacérées. Mais de ces brèves rencontres tirées dans des tonalités lumineuses et vitaminées, résulte l’étrange impression d’avoir intercepté “l’instant d’après“, celui de l’évanouissement de l’être vers l’anonymat de la foule, vers l’ailleurs, vers le départ. Une pensée particulière pour Et si c’était toi ?, dont la composition, la lumière, le flou et la blondeur de la silhouette ne peuvent pas ne pas évoquer Gena Rowlands s’échappant d’un photogramme de John Cassavetes. Qui sait, peut-être l’attraperez-vous si, à votre tour, vous passez rue Burdeau…

par VINCENT RAYMOND

VENDREDI 10 JUILLET 2020

error: Content is protected !!